Éditions Globe, 2022
Le Livre de Poche, 2024
Lu par Loïc Corbery (Audiolib)
Premier roman × Maladie × Drogue × Histoire vraie × Secrets de famille
Dans ce premier roman, Anthony Passeron nous plonge dans le chaos des années 80, une décennie marquée par l’apparition d’un nouveau virus : le VIH. L’arrière-pays niçois, la terre natale de l’auteur, n’échappe pas à ce fléau. Sa famille, non plus. C’est Désiré, l’oncle d’Anthony Passeron, qui en est la première victime. Le tabou, le silence, qui entourent son destin tragique, sont alors brisés par son neveu, qui dans une démarche d’hommage et de réhabilitation, nous livre ce témoignage à la fois intime et universel.
“Ce livre est l’ultime tentative que quelque chose subsiste. Il mêle des souvenirs, des confessions incomplètes et des reconstitutions documentées. Il est le fruit de leur silence.”
Dans ce roman, les chapitres se répondent. L’auteur alterne entre son récit familial, la descente aux enfers de son oncle avec son impact intemporel, et un récit scientifique, pour illustrer la course contre la montre engagée par les médecins pour faire face à cette crise sans précédent.
J’ai été bluffée par le travail de documentation de l’auteur : de l’apparition des symptômes chez les premiers patients en 1981 jusqu’au prix Nobel obtenu par Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montagnier en 2008 (!), ce roman est une véritable mine d’informations. Nul besoin d’avoir la fibre particulièrement scientifique pour comprendre et assimiler toutes ces données, l’auteur a accompli avec brio son travail de vulgarisation.
Les chapitres consacrés à Désiré, et plus largement à la famille de l’auteur, replacent cette pandémie dans le contexte socio-politique de l’époque et permettent de comprendre cette crise à plusieurs échelles. Quand le lecteur atteint la dernière page de ce livre, il a une vision globale des événements, les stigmatisations qui persistent encore aujourd’hui sont mises à mal, la réalité des victimes et de leurs familles est mise en lumière.
“ — Merci. […]
— Mais pourquoi ? On n’a pas réussi à vous sauver. […]
— Pas pour moi. Pour les autres.”
Anthony Passeron a porté les voix de tous ceux qui ont dû se taire, se cacher. Cela, avec beaucoup de justesse, de pudeur. C’est bouleversant de vérité, c’est une dignité retrouvée après tant d’années de silence. C’est le genre de texte ambivalent qui touche à l’intime mais qui, je pense, peut être universel. La honte, le tabou, le déni, qu’évoque l’auteur tout au long du roman au sein de son entourage, traduisent une solitude connue par tant d’autres familles. Mais il me semble qu’au-delà d’honorer la mémoire des victimes, Anthony Passeron avait besoin de trouver des réponses, pour lui, de donner sens à ce que ses yeux d’enfants avaient vu, ce qu’il avait entendu, ce qui avait été tu. Sa frustration, sa culpabilité, son incompréhension, tout cela transparaît dans ses mots.
Je terminerai en saluant la lecture du comédien Loïc Corbery, car je n’ai pas vraiment “lu” ce livre, je l’ai écouté. Si le format audio me permet de rentabiliser mon temps, il favorise aussi mon immersion totale dans une œuvre – si je suis réceptive à la voix, bien sûr. Le ton de Loïc Corbery était idéal pour rendre le récit scientifique captivant sans nous noyer dans ce torrent d’informations, de dates, d’acronymes, de noms inconnus. Il est parvenu à traduire cette ambivalence dont je parlais plus haut, à relater l’intime avec beaucoup de justesse et d’émotions, mais aussi l’universel avec engagement, avec conviction. Bref, si je pleurais comme une madeleine au volant de ma voiture en écoutant Les Enfants endormis, c’est autant à cause de la plume d’Anthony Passeron que de l’interprétation de Loïc Corbery.
On a là un ouvrage profondément humain, profondément marquant. Un hommage aux victimes, un hommage aux médecins.
Marie


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