Gallimard, 2025
Écologie × Culture × Ressources × Disparitions
2043. C’est le nombre de globicéphales tués en 2021 dans les Îles Féroé lors de cette célèbre (et macabre) fête.
Le Grindadràp. Vous ne connaissez pas ? Événement culturel de plusieurs pays nordiques depuis le XVe siècle, cette chasse particulière consiste à ameuter des bancs de cétacés (dauphins, orques…), de les regrouper, et de les conduire vers la berge où les attendent les chasseurs armés de lances, javelots, couteaux et autres objets de mise à mort. Que l’on s’entende bien. À force de lire nos chroniques sur My Memento, vous connaissez ma conscience écologique, mais en aucun cas je ne me permets de juger. Non. Je pose un constat critique sur cette pratique, comme je peux l’avoir sur la corrida. Mais bref… Je m’égare…
Dans ce roman publié dans la célèbre Série Noire de Gallimard, Caryl Ferey retrouve toute la force de sa plume. L’auteur voyageur nous invite à nous plonger dans un pays, sa culture et ses habitants. La sensibilité écologique de l’Auteur, que l’on avait déjà vu dans Okavango, revêt là aussi une place prédominante. Le tout sans jugement, juste avec un constat critique.
« Si l’Océan meurt, nous mourrons.«
Et là déjà est toute la complexité de ce roman, écrit dans un équilibre entre la première personne du singulier et la troisième. Nous mettant à chaque fois dans l’ambivalence de l’acteur et du témoin.
L’acteur déjà : Gab, un jeune trentenaire français, plongeur professionnel en apnée et membre des Sea Shepers, qui après avoir essuyé une tempête voit son navire et son équipage décimé. Seul survivant avec sa capitaine, Hayleen, il échoue sur les rivages d’une bourgade des Îles Féroé en plein Grindadràp.
Les témoins ensuite : Eirikka, la journaliste et Sorensen, le chef de la police locale qui voient ces deux activistes de Sea Sheperd débarqués sur leur île en pleine célébration d’un événement qui ne pourra faire que du tort à l’image internationale du pays. D’autant plus, qu’un cadavre est retrouvé échoué parmi l’amoncellement des corps de cétacés.
Un cadavre humain. Celui du grindforeman, traditionnellement le responsable en chef de cette chasse peu commune.
Tout se met alors en branle dans cette petite ville. Entre cette tempête phénoménale et ses conditions climatiques qui les coupent du reste du monde, entre la tension exercée par l’arrivée des activistes de Sea Sheperd et la série de disparitions qui s’ensuit, entre croyances populaires et fanatisme religieux, Caryl Ferey tisse une toile dense et profonde dans le rapport entre ancrage traditionnel et horizons universels.
« Tu lui as donné la domination sur les œuvres de ta main »– Psaumes 8:6-8
La puissance de ce roman tient en ces passages où notre cerveau prend le temps de réfléchir sur notre condition en tant qu’espèce parmi d’autres espèces. Oui. Bien évidemment l’intrigue est magnifiquement ficelée, même si le dénouement laisse un peu sur sa faim, car le potentiel du roman est indéniable. Oui les personnages sont profonds, tous touchés par leur propre rapport au Vivant et leurs questionnements. C’est un polar. Un vrai. Un bon. Un Caryl Ferey.
Et ce qui le rend encore meilleur, c’est toutes les dimensions qu’il lève dans notre conscience de lecteur, dans notre conscience d’Humain.
À consommer sans modération.
Malik


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