Futur × Écologie × Sport

Paris-Dakar/20

Pour les lecteurs de mon âge canonique, et comme moi férus des littératures dites « de genre », la collection Autres Mondes de Mango était un incontournable du paysage éditorial français. Dirigée par Denis Guyot de 2000 à 2008 puis par Audrey Petit jusqu’en 2010, date de sa disparition, elle comptera pas moins d’une cinquantaine de titres, dont plusieurs marquants.

Sur les pistes de Scar est l’un d’entre eux. Jean-Pierre Hubert est un nom qui ne parle plus à grand-monde en 2025, contrairement à d’autres auteurs de la collection – Fabrice Colin, Fabien Clavel, Johan Héliot, Danielle Martinigol, Jean-Pierre Andrevon… Pourtant, il était l’un des conteurs-phares de la collection – et de l’imaginaire français en général.

Disparu prématurément en 2006, Jean-Pierre Hubert livrait ici pour Autres Mondes un titre absolument réjouissant, une sorte de rencontre entre Dune et le Paris-Dakar : sur la planète Scar, un monde hostile, semi-désertique, a lieu tous les deux ans la CircumScar, un rallye très dangereux, plus meurtrier d’année en année, et auquel participent une centaines de jeunes hommes et jeunes femmes avides d’argent et de célébrité.

Le héros, Léan, un jeune homme venu sur Scar à la recherche de ses origines, participe à la course en tant qu’indépendant. Aidé de Timmy, son copilote, et de Ti’ole, une autochtone qui murmure à l’oreille des machines, Léan sera le témoin de tout ce que cette compétition porte en elle de beau et de terrible : une course au cœur de paysages magnifiques, de territoires sauvages et dangereux, où l’ambition poignarde la solidarité, où le désir d’écraser les autres étrangle l’empathie, où en résumé, il n’y a guère de place pour la camaraderie et l’entraide.

Évidemment, de tels comportements sont encouragés. Car loin de s’imposer comme un programme moral à destination des plus jeunes, la CircumScar est avant tout un spectacle, un grand show retransmis à travers la galaxie. C’est pourquoi tout semble bon pour faire exploser l’audimat, surtout quand il s’agit fabriquer de nouvelles « stars » à fortes personnalités. Après tout, la France de 2005, date où le livre est publié, nageait en plein âge d’or de la télé-réalité.

La particularité de ce rallye futuriste, ce sont aussi les machines conduites par les participants, des véhicules à la pointe de la technologie, franchement spectaculaires et originaux, et dont on peut découvrir les détails en couverture du livre. Une gourmandise pour les amateurs de science-fiction, mais qui donne son identité bien particulière au roman. On retiendra surtout le véhicule-phare de la CircumScar, l’incroyable Speedosaure, décrit comme « une grande autruche mécanique », dont le design signé du génial Manchu se retrouve en couverture.

Mais l’autre dimension essentielle de Scar, à souligner car assez en avance sur son époque, c’est l’aspect écologique. Oui, les autochtones scariens souffrent de l’impact général de la CircumScar. Ils en subissent les conséquences (écologiques et environnementales) de plein fouet. Et même l’idée que cet évènement soit bénéfique du point de vue des retombées économiques est balayé par la vision sans naïveté de Jean-Pierre Hubert.

Car oui, la CircumScar, ce sont surtout des tensions entre les différentes communautés, pauvres pour la plupart. Un évènement réjouissant pour les uns, c’est la curée pour les autres : une ruée sans merci, dans laquelle une poignée d’individus sans scrupules semble prête à tout pour rafler le gros du butin. Comme quoi dans nos sociétés, il n’y a aucun spectacle qui ne soit ni anodin ni totalement inoffensif.

Hélas épuisé depuis longtemps et jamais réédité, Sur les pistes de Scar est un roman jeunesse passionnant, haletant, divertissant, extrêmement bien écrit et qui ne prend jamais son – jeune – lecteur pour un idiot. Aujourd’hui Mango semble avoir jeté l’éponge, et l’éditeur est désormais connu davantage pour ses livres de cuisine que pour ses collections jeunesse – et c’est bien dommage.

Baptiste CAMOIN,

Pour MyMemento