Calmann Levy, 2023
JAZZ × Voyage × paternité × amitié × musique
Quel titre… Toute la poésie de l’œuvre résumée en une phrase. Toute la poésie de Marc Alexandre Oho Bambe. L’auteur est un artiste. Un vrai. Poète, slameur, sa musicalité ressort dans chacune des pages de ce merveilleux roman.
D’entrée, vous l’aurez compris, je suis conquis. Par l’histoire certes, mais déjà par l’objet en lui-même. Ce livre est organisé d’une façon particulière. Ne vous étonnez pas de trouver parfois un mot sur une page, ou des paragraphes structurés comme des poèmes, presque en alexandrins. Des rimes qui viendront parsemer votre lecture et vous transporter au fil des émotions comme un air de jazz.
Le jazz… Fil conducteur de ce roman, le style musical nous entraîne d’un chapitre à l’autre au son du saxophone de Jaromil. Ce jeune métis, adolescent en peine et désabusé, va trouver refuge dans les clubs et bars de jazz. A défaut de connaître son père, il y rencontrera Al, fondateur du KGB, un groupe de jazzmen, dont la réputation dans ce cercle artistique n’est plus à faire. Al restera un personnage central de toute l’histoire, guidant le héros dans sa quête vers une chose simple, le bonheur dans la musique, le bonheur dans la vie. Mais..
“Chaque musicien de jazz, chaque artiste vit ainsi, funambule sur le fil, en déséquilibre permanent…”
Le déséquilibre, l’abus, l’excès, Jaromil les aura connus ces vices. Ceux des âmes en peines, ceux qui guettent la nuit et font faire des mauvais choix. L’auteur est fort dans l’émotion qu’il transmet. Ici, pas de jugements ni de faux semblants. On est loin du cliché de l’artiste torturé que pourrait être son héros. Non. On est face à des humains, un Homme, et à ce que la vie a pu détruire et reconstruire en lui.
Jaromil aura survécu à une overdose, sauvé par sa fille Indira, et c’est à elle que les pages du livre se destinent. Ce livre est un peu une lettre ouverte de ce père à sa fille. Il vient en écho à la boîte et aux lettres que lui aura légué son propre père à l’aune de sa mort. Oui, Jaromil ne retrouvera son père qu’une fois celui-ci parti. Mais au fil des cassettes enregistrées et des notes griffonnées, Jaromil comprendra que ce dernier n’était jamais loin, malgré son terrible secret.
Et à découvrir son père, il se (re)découvre père lui-même.
C’est donc un sujet qui m’a beaucoup touché quand, achevant cette lecture, j’accueillai moi aussi mon fils dans ma vie. Mais au-delà de la question de la paternité, l’auteur aborde dans ce livre l’Amour.
L’amour de soi, des autres, de la musique, du groupe, du solo, du bruit, du silence et de la vie dans tout ce qu’elle offre. Avis aux aficionados d’action, vous n’en aurez que très peu dans ce roman. Ce n’est pas un livre pour être percuté comme dans un pogo. Non. C’est un livre à apprécier en bonne compagnie comme un whisky sur un air de jazz. C’est un livre qui chante le blues d’une âme emplie d’amour pour Indira sa fille, Maisha son âme sœur, Al son mentor, le jazz sa raison de vivre.
“ Nous ne faisons, toute la vie, que naître et renaître. C’est à dire recommencer à être, nous et d’autres, jusqu’à n’être plus que nous-mêmes…”
C’est un livre cinq étoiles.
Marc Oho Bambe aura réussi le pari fou d’écrire une chanson sur 272 pages et de nous livrer un récit merveilleux.
Je ne peux que vous suggérer de l’écouter, oui, plus que de le lire, laissez toutes ses sonorités entrer en vous comme les notes d’un piano, en harmonie avec le pincement d’une guitare. Des volutes de fumée d’un bar parisien, au sommet du Kilimandjaro, la vie de Jaromil est une suite de péripéties menées au rythme des percussions d’un cœur qui bat.
Le sien, celui de son père, celui de sa fille, celui du jazz…
MALIK


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